<26>Il y composa sa Pénélope, ouvrage polémique contre les médecins, où, à l'exemple de Démocrite, il plaisantait sur la vanité de sa profession. Ce qu'il y eut de singulier, c'est que les médecins, dont la charlatanerie y est dépeinte au vrai, ne purent s'empêcher d'en rire eux-mêmes en le lisant; ce qui marque bien qu'il se trouvait dans l'ouvrage plus de gaieté que de malice.

M. La Mettrie, ayant perdu de vue ses hôpitaux et ses malades, s'adonna entièrement à la philosophie spéculative : il fit son Homme machine, ou plutôt il jeta sur le papier quelques pensées fortes sur le matérialisme, qu'il s'était sans doute proposé de rédiger. Cet ouvrage, qui devait déplaire à des gens qui, par état, sont ennemis déclarés des progrès de la raison humaine, révolta tous les prêtres de Leyde contre l'auteur : calvinistes, catholiques et luthériens oublièrent en ce moment que la consubstantiation, le libre arbitre, la messe des morts et l'infaillibilité du pape les divisaient; ils se réunirent tous pour persécuter un philosophe qui avait, de plus, le malheur d'être français, dans un temps où cette monarchie faisait une guerre heureuse à Leurs Hautes Puissances.

Le titre de philosophe et de malheureux fut suffisant pour procurer à M. La Mettrie un asile en Prusse, avec une pension du Roi. Il se rendit à Berlin au mois de février de l'année 1748, où il fut reçu membre de l'Académie royale des sciences. La médecine Je revendiqua à la métaphysique, et il fit un traité de la Dyssenterie, et un autre de l'Asthme, les meilleurs qui aient été écrits sur ces cruelles maladies. Il ébaucha différents ouvrages sur des matières de philosophie abstraite qu'il s'était proposé d'examiner; et par une suite des fatalités qu'il avait éprouvées, ces ouvrages lui furent dérobés; mais il en demanda la suppression aussitôt qu'ils parurent.

M. La Mettrie mourut dans la maison de mylord Tyrconnel, ministre plénipotentiaire de France, auquel il avait rendu la vie. Il semble que la maladie, connaissant à qui elle avait affaire, ait eu l'adresse de l'attaquer d'abord au cerveau, pour le terrasser plus sûrement : il prit une fièvre chaude avec un délire violent; le malade fut obligé d'avoir recours à la science de ses collègues,