<11>autres. Mais il était de ces hommes que la beauté de leur génie rend propres à tout. Le siége de Stralsund, que le feu roi formait alors, réveilla dans M. Duhan ce zèle pour la gloire qui caractérise si particulièrement la noblesse française. Il y servit comme volontaire, et se trouvait partout : le Roi le remarqua bientôt, demanda qui il était, et sur le récit que M. le comte de Dohna lui fit de sa naissance et de son mérite, le Roi le destina pour entrer dans l'éducation du Prince royal.a Il est rare de voir prendre un précepteur dans une tranchée; mais cette singularité fut trop heureuse pour n'être pas approuvée.

Les vertus héroïques et les qualités brillantes qui font l'objet de notre amour et l'admiration de l'Europe entière, montrent combien l'illustre élève sut profiter des leçons de son maître; et l'amitié dont ce prince l'a toujours honoré, prouve également que le talent d'instruire n'est pas incompatible avec celui de plaire.

Les études du Prince royal étant finies, M. Duhan fut pourvu de la charge de conseiller de la justice allemande et du consistoire supérieur français. Il ne goûta pas longtemps le repos que ses emplois paraissaient lui promettre. Un bonheur constant et durable n'est point l'apanage de l'humanité. M. Duhan fut relégué en Prusse. Mais la cause pour laquelle il souffrait, loin de le dérober à l'estime publique ou d'occasionner ses remords, aurait pu au contraire exciter sa vanité et animer ses espérances. Il aimait trop le sujet de ses peines pour en murmurer, et il conserva toujours la tranquillité inséparable de la bonne conduite, et qui, dans les différentes situations de la vie, peut être regardée comme la pierre de touche de la véritable philosophie.

Un calme heureux ayant succédé à un orage qui avait porté l'épouvante dans tous les cœurs, M. Duhan en profita bientôt, et fut placé, par la protection du Prince royal, auprès de S. A. S. le duc de Brunswic, qui l'honora des bontés les plus marquées. Il demeura dans cette cour jusqu'en 1740, que le Roi, étant parvenu au trône, le rappela à Berlin, et le revêtit de la charge de conseiller privé au département des affaires étrangères. Une faveur plus brillante encore, et dont il était fait pour connaître le


a Ce fut le 31 janvier 1716 que M. Duhan fut nommé précepteur du Prince royal.