<71>taient, sans avoir les moyens ni la volonté de se joindre au Roi. La France ne s'était point expliquée sur le sujet de ces événements, et l'Angleterre était engagée dans une guerre civile avec ses colonies, entreprise par esprit de despotisme, conduite avec maladresse; et l'on pouvait s'attendre qu'elle ne se terminerait pas dans les premières années. Ces considérations réunies firent que la cour de Berlin demeura dans l'inaction, et le Roi écrivit à Pétersbourg qu'il ne lui convenait pas de faire le Don Quichotte des Turcs.

Dans le temps que l'animosité était la plus vive entre ces trois cours, la délégation devait envoyer des députés pour régler avec ceux des trois puissances les limites de leurs possessions. Ceux des Autrichiens et des Prussiens ne purent convenir de rien, pas même des lieux qui devaient fixer les limites des frontières. Le prince Kaunitz demanda la médiation de la Russie et de la Prusse; mais les esprits, dans ces cours, étaient trop aigris pour qu'elle pût lui être accordée, et quoique l'impératrice Thérèse et le Roi gardassent leurs extensions, ils n'en purent obtenir de la République la cession légale.

Il résulte donc, d'après tout ce que nous venons d'exposer, que l'Europe n'était pas dans une situation stable et jouissante d'une paix assurée : partout le feu couvait sous la cendre. Au sud de l'Europe, on pouvait prévoir que la guerre civile des Anglais avec leurs colonies pouvait devenir générale, pour peu que la France et l'Espagne y prissent part. Il en était de même du traité de partage, qui pouvait occasionner de nouveaux troubles, si la sanction de la république de Pologne ne le confirmait. Il en était de même de la paix entre les Russes et les Turcs, dont les conditions avaient paru si révoltantes à Constantinople, qu'il semblait que l'intérêt du bien public devait rompre ce que la nécessité avait fait conclure. La révolution en Suède laissait également des germes de mécontentement dans le Nord. Mais surtout que ne devait-on pas attendre de l'ambition démesurée d'un jeune empereur, secondée par les intrigues et les perfidies d'un ministre qui se faisait un point d'honneur de tromper ceux avec lesquels il était en négociation? Toutes ces considérations obligeaient les souverains prudents à demeurer sur leurs gardes, à se maintenir