<60>pourraient prendre d'emblée en votre absence, ou de vous mettre dans une position où l'ennemi, de son côté, pourrait, par un mouvement, vous couper de votre pays et de vos derrières, ou bien si le pays vers lequel vous voulez tirer ne manquerait pas de fourrages, et vous obligerait peut-être de l'abandonner bientôt. En examinant ces choses, on juge en même temps sur la possibilité des choses que l'ennemi peut entreprendre et sur celles qu'il n'a pas le moyen de tenter, et ensuite on lait son projet ou pour se camper sur le flanc de l'ennemi, ou pour tirer vers une province d'où il tire ses vivres, ou pour le couper de sa capitale, ou pour menacer ses magasins, ou pour prendre des positions qui lui rétrécissent ses fourrages. Pour en donner un exemple connu de tous mes officiers, je formerai le dessein que nous aurions pu arranger pour obliger le prince de Lorraine de nous abandonner Königingrätz et Pardubitz, en 1745. Du camp de Divetz,a nous aurions dû marcher par la gauche, côtoyer le comté de Glatz, et tirer vers Hohenmauth. Comme le magasin des Autrichiens était à Teutsch-Brod, et qu'ils tiraient la plupart de leurs vivres de Moravie, l'armée autrichienne aurait été obligée de marcher vers Landskron; Königingrätz et Pardubitz seraient tombés sous notre pouvoir, et les Saxons, qui par cette marche auraient été coupés de leur pays, se seraient séparés certainement du corps de l'armée pour couvrir leur pays. Ce qui m'empêcha alors de faire cette marche, c'était que, en prenant Königingrätz, je n'aurais rien gagné. Si les Saxons s'en étaient retournés chez eux, j'aurais toujours été obligé de détacher également pour fortifier le prince d'Anhalt, et surtout je n'avais pas assez de vivres à Glatz pour entreprendre de faire toute la campagne aux dépens de ce seul magasin. Les diversions que l'on fait par détachements obligent aussi l'ennemi à décamper. Toutes les choses que l'on fait, auxquelles l'ennemi n'est pas préparé, le rendent confus et le font décamper. De cette nature sont les passages de montagnes qu'il croit impraticables, et qui se passent presque toutes, et les passages de rivières qu'on lui dérobe. Qu'on lise la campagne du prince Eugène, l'année 1700,a en Italie; son passage des Alpes


a Voyez t. III, p. 133 et 134.

a Ou plutôt 1701.