<165>la force de leur ordonnance et l'attirail imposant de leur canon se réduira à peu de chose. Si leur armée entre dans la plaine au commencement d'une campagne, leur témérité peut entraîner leur ruine totale, et dès lors toutes les opérations des armées prussiennes, soit en Bohême, soit en Moravie, réussiront sans peine.

C'est un expédient fâcheux, me direz-vous, que celui d'attirer un ennemi dans son pays. J'en conviens; cependant c'est l'unique, parce qu'il n'a pas plu à la nature de faire des plaines en Bohême et en Moravie, mais de les charger de bois et de montagnes. Il ne nous reste qu'à choisir ce terrain avantageux où il est, sans nous embarrasser d'autre chose.

Si les Autrichiens méritent des éloges de l'art qu'ils ont mis dans leur tactique, je ne puis que les blâmer sur la conduite qu'ils ont tenue dans les grandes parties de la guerre. Ces forces si supérieures, ces peuples qui se précipitaient sur nous des quatre coins de la terre, qu'ont-ils opéré? Est-il permis, avec tant de moyens, tant de forces, tant de bras, de faire si peu de chose? N'est-il pas clair que si, au moyen d'un concert bien arrangé, toutes ces armées avaient agi en même temps, elles auraient écrasé nos corps les uns après les autres, et qu'en poussant et pressant par les extrémités vers le centre, ils auraient pu forcer nos troupes à se réduire à la seule défense de la capitale? Mais leur puissance même leur a été nuisible; ils ont mis leur confiance les uns dans les autres, le général de l'Empire dans l'Autrichien, celui-là dans le Russe, celui-là dans le Suédois, et enfin celui-là dans le Français. De là cette indolence dans leurs mouvements et cette lenteur dans l'exécution de leurs projets. S'endormant aux flatteuses idées de leurs espérances et dans la sécurité de leurs succès futurs, ils ont regardé le temps comme à eux. Combien de moments favorables ont-ils laissés échapper! que de bonnes occasions n'ont-ils pas manquées! en un mot, que de fautes énormes n'ont-ils pas faites, auxquelles nous devons notre salut!a


a Le jugement que le Roi porte ici sur l'armée autrichienne est reconnu tout à fait juste par le colonel de Cogniazo dans son ouvrage (anonyme), Geständnisse eines Oestreichischen Veterans, Breslau, 1790, t. III, p. 65 et suivantes.