401. AU MÊME.

Le 16 janvier 1786.



Mon très-cher frère,

Vous avez trop de bonté de vous intéresser autant que vous le faites à ma débile santé. J'ai fait venir le coryphée des médecins de Berlin. Après l'avoir mis au fait de mes différentes incommo<521>dités, il m'a condamné à un cautère à la jambe, pour y attirer les humeurs qui se dégageaient autrefois par cette jambe alors ouverte, mais qui, depuis quatre années, s'est fermée.593-a C'est une opération à laquelle je puis m'assujettir facilement, et d'ailleurs il veut me dépecer les entrailles par des sels ammoniacs et de la rhubarbe, à quoi j'ai promis d'obéir, si par ce moyen je puis regagner le sommeil et la protection de Morphée; car, depuis que j'ai eu la satisfaction de jouir de votre naissance,593-b je n'ai eu, mes meilleures nuits, que trois à quatre heures de sommeil tout au plus, et pour occupation qu'une toux perpétuelle, ce qui a presque exténué toutes mes forces. Reste à voir si le régime qu'il m'a prescrit sera assez efficace pour remédier aux maux dont je suis accablé. Je n'entrerais certainement pas dans ces détails, si l'amitié que vous daignez me témoigner ne m'en faisait un devoir.

Pour ce qui regarde l'archevêque de Strasbourg, les bruits qui courent dans le public semblent presque tous le condamner; il doit, dit-on, être jugé par le parlement. En attendant, le prince de Soubise a été expulsé du conseil, où il avait une place. Ceci n'influera en rien dans les délibérations, où il n'opinait que du bonnet. Les meilleures nouvelles que j'aie de France sont que j'espère de moyenner un accommodement entre les Hollandais et le prince-stadhouder. La France s'y prête. Je serai charmé de pouvoir rendre le service à notre chère nièce de la maintenir avec sa postérité dans le poste qu'ils occupent. Il faut que les choses aillent mal pour les Russes auprès du mont Caucase, comme dans le Cuban. Mes lettres de Constantinople assurent que l'on y prépare bien de la besogne à la pantocratrice. J'aime bien mieux que ces barbares s'occupent du Cuban que de la Prusse, Je verrai demain un comte Stolberg, au service de l'évêque d'Eutin. Il vient de Pétersbourg, et il est chargé pour moi de quelques commissions de la part du grand-duc. Comme les fruits <522>que je vous ai envoyés vous ont été agréables, vous voudrez bien accepter de même ceux qui accompagnent cette lettre, étant, etc.


593-a Voyez Christian-Gottlieb Selle, Krankheitsgeschichte des Höchstseligen Königs von Preussen Friedrich's des Zweiten Majestät. Berlin, Mylius, 1786, p. 19 et suivantes. L'auteur de cet ouvrage est celui que Frédéric désigne, au commencement de cette lettre, sous le nom de coryphée des médecins de Berlin.

593-b Le Roi veut probablement dire de votre présence.