<214>de la Silésie. En attendant, ne prenez point cela comme un ordre de ma part, car, encore une fois, je ne saurais rien vous prescrire en ceci, et ne saurais pas même savoir ce qui s'est passé dans vos contrées pendant l'intervalle du temps que ma lettre passe à vous parvenir. Ici je puis envisager mon projet sur Dresde autant que tout à fait manqué. Je n'ai rien à appréhender pour une bataille qu'on me livrera. Vous connaissez Daun, qui n'aime pas de donner des batailles du jour au lendemain; tout au contraire, pour l'y porter, il faut qu'on se serve de bien de l'industrie et des détours. Mon projet principal à présent est de repasser à l'autre rive de l'Elbe, et de voir alors où et comment je pourrai marcher vers la Silésie.a Il est bientôt dit de repasser l'Elbe : mais vous pourrez à peine vous représenter, mon cher frère, à combien de difficultés cela sera sujet; aussi serai-je obligé de me servir de beaucoup de ruses pour y parvenir de bonne manière. Un autre embarras que j'aurai alors, et ce qui me donnera bien des inquiétudes, ce sera par rapport à la Marche de Brandebourg; nonobstant cela, je serai obligé de prendre ma résolution, et comme la Silésie est actuellement la province la plus exposée, le plus pressé pour moi sera de penser à sa défense. Vous aurez la bonté de communiquer cela au ministre de Schlabrendorff,a quoique sous le sceau du dernier secret, et que je tâcherai d'y venir du côté de Haynau, ou autour de Jauer, ou aux environs, selon les circonstances qui se présenteront alors; pour le temps quand je pourrai proprement exécuter cela, vous vous représentez bien que je ne le saurais pas fixer. Le pas le plus difficile à faire, ce sera de repasser l'Elbe; tout le reste ira facilement. Dans la situation où nous nous trouvons, moi et vous, mon cher frère, il faut indispensablement que les choses parviennent à une affaire décisive, soit de votre, soit de ma part. Nous ne saurions absolument plus éviter de combattre, ce que je vous prie de vous imprimer en tête, et qu'il est d'une nécessité absolue que les


a Voyez t. V, p. 63 et suivantes.

a Ernest-Guillaume de Schlabrendorff, né le 4 février 1719 à Gröben, près de Ludwigsfelde, dans la Marche de Brandebourg, fut nommé ministre d'État et président des chambres de Silésie le 26 septembre 1755; il mourut à Breslau le 14 décembre 1769, chevalier de l'ordre de l'Aigle noir. Il occupe une place honorable sur le piédestal de la statue de Frédéric, par Chrétien Rauch.