28. AU MÊME.

Au camp (de Chlum), ce 10 (août 1745),
à quatre heures.



Mon cher Rottembourg,

Je suis bien aise de vous savoir bien établi dans votre camp, et que tout s'y trouve en bon état. Je suis ici toujours occupé du même objet, qui est de faire le plus de mal que je puis aux Au<547>trichiens, à leur donner des jalousies, et à faire des projets ultérieurs dont aucuns ne sont en intention de leur faire plaisir.

Je ferai payer, le 24 de ce mois, deux mille cinq cent cinquante écus à qui il vous plaira de les faire assigner, à Berlin, ou, si vous trouvez à propos d'avoir cet argent ici, vous pourrez le toucher au commencement du mois qui vient, moyennant quoi j'aurai la belle table dont vous me parlez, et les quatre tableaux de Watteau. Il me semble que le lustre de cristal de roche dont parle Petit est bien gigantesque et même lourd; cela ne ferait pas un bon effet dans mes chambres de Potsdam. Je laisse cependant l'arrangement de tout cela à Petit; il faut qu'il sache que l'appartement pour lequel on le destine n'a que seize pieds de hauteur sur quarante-quatre de long et vingt-deux de large; c'est ensuite à lui de faire le choix.

Je ferai expédier incessamment les passe-ports pour Maupertuis,604-a et je vous envoie une lettre pour lui. que vous serez fort embarrassé de lui faire parvenir. Je le crois sur mer actuellement; c'est pourquoi j'ai fait expédier un passe-port de précaution, que j'envoie tout droit, sous l'adresse de Podewils, à Berlin.

S'il est vrai de dire qu'un bon général vaut dix mille hommes de plus dans l'armée où il est, voilà donc les Autrichiens bien renforcés par la présence du prince de Lobkowitz.604-b Les Saxons sont plus sensibles à leurs pertes qu'ils ne le témoignent au public, et je les crois capables de bien des choses, qu'il faudra attendre et voir arriver. Wylich604-c devrait déjà être de retour; il a dû partir le 22 de Tournai. Je crains pour lui, vu la difficulté du trajet qu'il a à faire.

Adieu, mon cher Rottembourg; n'oubliez pas vos amis qui sont au camp des vedettes et qui font la garde pour la sûreté de l'armée, et soyez persuadé que je suis tout à vous.


604-a Au commencement de l'année 1745, Maupertuis, qui s'était fiancé avec mademoiselle de Borcke, se rendit en France pour obtenir le consentement de son père à son mariage, et la permission de s'établir en Prusse; puis il se hâta de revenir à Berlin, où il se maria le 28 octobre de la même année. Voyez t. XVII, p. VIII et IX.

604-b Voyez t. III, p. 106.

604-c Voyez t. II, p. 143.