269. DE D'ALEMBERT.

Paris, 7 juillet 1783.



Sire,

Je supplie très-humblement Votre Majesté de me permettre d'emprunter en ce moment une main étrangère pour répondre à la lettre qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire il y a six semaines. J'ai été depuis ce temps assez languissant, et peu en état d'écrire surtout de ma main; la situation de corps nécessaire pour cela est peu favorable à mon indisposition, et mon médecin m'a conseillé, pour adoucir mes maux, d'être quelque temps sans écrire moi-même. Je n'ai pas besoin, Sire, d'assurer V. M. avec; combien de regret et de répugnance j'use aujourd'hui d'un pareil remède; mais je ne puis différer plus longtemps de témoigner à V. M. ma vive et profonde reconnaissance pour toutes les bontés dont elle ne cesse de me combler. Je crois qu'elle voit mieux la <255>cause de ma maladie que; bien des médecins ne l'ont vue; et j'accepterais avec le plus grand empressement les remèdes qu'elle veut bien m'offrir, si je n'en faisais actuellement de nouveaux, dont j'espère plus de succès que des précédents.

La famille de M. de Séran est pénétrée de reconnaissance des bontés que vous avez eues pour ce jeune militaire, et me charge d'assurer V. M. qu'elle n'en perdra jamais le souvenir.

On craint beaucoup ici le renouvellement de la guerre, à cause de l'invasion de la Crimée par les Russes. Puisse V. M. n'être point forcée d'y prendre part, et passer le reste de ses jours, si précieux à l'Europe, dans le repos glorieux qu'elle a si bien acheté et si bien mérité!

Je suis et serai jusqu'à la fin de ma triste vie, avec la plus tendre reconnaissance et le respect le plus profond, etc.