<186>anciens, que je joindrai dans peu, et m'éloigne des modernes, avec lesquels ce n'est pas la peine de faire connaissance. Ne pensez pas, je vous prie, en lisant ce début, que j'aie des vapeurs; je vous assure qu'il n'en est rien. Je vois entre les mains des Parques s'accourcir le fil de mes jours, sans que cela m'affecte; l'expérience journalière est une école qui nous apprend la vicissitude de notre être; nos molécules, qui s'échappent par la transpiration imperceptible, les différentes sécrétions du corps, ainsi que les saignées, nous accoutument à mourir en détail; apprivoisés à perdre des parties de nous-mêmes, nous nous encourageons à voir d'un regard stoïque la dissolution totale de la matière qui nous compose. Mais lorsque l'imagination s'éteint, que la mémoire devient infidèle, que la vue baisse ou s'obscurcit, chez la plupart des hommes l'amour-propre se gendarme contre le temps qui leur enlève des propriétés qu'ils pensaient être indélébiles; l'admiration qu'ils avaient pour leurs prétendues perfections leur cause les regrets les plus ridicules sur la perte de quelques qualités passagères de leur être, et ils ne se rappellent pas qu'ils n'étaient rien dans le siècle passé, et qu'ils seront réduits à rien dans le siècle futur. Les vieillards pourraient bien encore trouver des sujets de consolation en se rappelant que l'on n'a de vrais amis que ses contemporains, et que ce bien inestimable du sage est perdu pour lui, s'il pousse sa carrière à la seconde ou à la troisième génération. La façon de penser, celle d'agir, si différente, ne s'assimilent point; ils se trouvent donc isolés dans la société, comme on trouve dans les taillis quelques vieux chênes qui ont résisté aux injures du temps, et dont la cime desséchée et flétrie domine de beaucoup au-dessus du sommet des jeunes arbres. Mais ces réflexions, quoiqu'elles ne m'affectent pas, paraîtront peut-être trop sombres pour un philosophe qui vit au centre des Sybarites de la Seine.

Je passe donc à des sujets plus gais. Ce César Joseph, dont vous faites mention, me fortifie et me corrobore dans le penchant que j'ai pour la secte acataleptique; les uns le disent à Bruxelles, les autres à Paris, et je vous répondrai comme madame de Sévigné : Je ne crois ni l'un ni l'autre. Ce prince fait trembler tous les moines et les riches abbés de ses États. On prétend qu'il hait