<152>l'espérance que V. M. a bien voulu m'en donner, que le 30 mai dernier, jour anniversaire de la mort de ce grand homme, qui depuis deux ans n'existe plus, son service solennel aura été célébré d'une manière digne du héros et du philosophe qui en aura donné l'ordre et fait les frais. Nous avons ici actuellement une assemblée du clergé, à qui M. Necker, notre Sully et notre Colbert, se prépare à demander beaucoup d'argent qu'il faudra bien donner; je m'imagine qu'elle sera bien irritée du service de Voltaire, et je me flatte que c'est l'intention de V. M. Je ne lui en épargnerai (je veux dire au clergé) aucun des détails qui pourront humilier son orgueil et son fanatisme.

Nous sommes ici dans l'attente la plus impatiente du succès de cette troisième campagne, surtout en Amérique. L'insolence et la piraterie anglaise révoltent toutes les nations de l'Europe. La déclaration que vient de faire l'impératrice de Russie a satisfait tous les Français, et tous les Français sont persuadés que V. M. a eu bonne part à cette démarche noble et ferme de la Russie. On voit avec plaisir que ces insolents Anglais, qui ne respectent rien, respectent pourtant jusqu'ici le pavillon de V. M.; mais on n'est point surpris qu'ils vous distinguent et vous redoutent. V. M. a fait, depuis quarante ans de règne, tout ce qu'il faut pour se faire respecter de ses amis et de ses ennemis. Toute la France voit avec plaisir que l'ancien système d'alliance et d'union reprend le dessus, que nous nous sommes rapprochés de l'allié naturel, et surtout de l'allié puissant et respectable que nous avions en vous; et dans cette confiance, on n'est guère effrayé de l'entrevue que l'Empereur et l'impératrice de Russie ont dû avoir à Mohilew. On se flatte qu'elle ne troublera point la paix de l'Europe, qui a si grand besoin de repos, et que l'Europe sera encore redevable à V. M. de ce nouveau bienfait.

V. M. aura, comme je l'espère, le buste de Voltaire vers la fin de septembre ou le commencement d'octobre; il serait déjà commencé, sans un embarras où est le sculpteur, et où je suis avec lui, par rapport à la forme qu'il faut donner à la tête. Je n'ennuierai point V. M. de ce détail; M. de Catt lui en rendra compte, et me fera parvenir ses ordres. Dès qu'ils seront arrivés, le sculpteur travaillera sans relâche. J'ose répondre d'avance