<142>rendre compte à V. M. de tout ce qu'il a vu de bon et de mauvais dans ce pays, est venu plusieurs fois à des assemblées où je réunis trois fois par semaine les gens de lettres et les gens du monde les plus instruits; et il pourra dire à V. M. qu'il n'y a pas une seule de ces conversations où chacun n'exprime, avec autant de force que d'intérêt, les sentiments d'admiration et de respect dont il est pénétré pour vous. Vous venez, Sire, de nourrir encore des sentiments si justes par les belles ordonnances que vous avez rendues en dernier lieu pour l'administration de la justice,a et que les plus sages législateurs auraient enviées à V. M. Que feriez-vous, Sire, de tant de juges français bien convaincus, non pas seulement d'avoir vexé, comme ceux de Cüstrin, un malheureux paysan, mais d'avoir fait périr des innocents dans les supplices? Aussi me revient-il que quelques-uns de nos cannibales parlementaires trouvent bien rigoureuse (car ils n'osent pas se servir d'un autre mot) la punition que V. M. a faite de ces magistrats prévaricateurs. Leur censure est un éloge de plus.

Un homme de lettres de beaucoup d'esprit, M. de Rulhière, qui a eu l'honneur, il y a trois ou quatre ans, de faire sa cour à V. M.,b et qui est auteur d'une relation très-curieuse et très-bien écrite de la catastrophe de Pierre III, s'occupe depuis plusieurs années d'une histoire de la révolution de Pologne et du partage de ce pays. Comme il a surtout à cœur de dire la vérité, et par conséquent d'exprimer dans cet ouvrage les justes sentiments d'admiration dont il est pénétré pour V. M., il m'a prié, Sire, de vous demander s'il n'y aurait point d'indiscrétion à témoigner à V. M. le désir qu'il aurait qu'elle voulût bien lui procurer sur cet important événement des mémoires dont il sentirait tout le prix, et dont il ferait le plus intéressant usage, en se soumettant d'ailleurs aux conditions que V. M. pourrait exiger. Il attend, Sire, avec la plus grande impatience ce que V. M. voudra bien me répondre à ce sujet.

Je suis avec les sentiments profonds et tendres de respect,


a Décision du Roi. du 11 décembre 1779, dans le procès du meunier Arnold. Voyez J.-D.-E. Preuss, Friedrich der Grosse, eine Lebensgeschichte, t. III, p. 381-412, 494 et 495.

b Voyez ci-dessus, p. 59.