54. DE L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

Dresde, 9 décembre 1765.



Sire,

Lacédémone, comme l'observe Votre Majesté, pouvait se soutenir sans or ni argent; son terroir fournissait à tous ses besoins, <101>et ses expéditions de guerre ne s'étendaient alors qu'à quelques lieues de ses murs. Chaque Spartiate portait son bagage et ses munitions de bouche. Mais vous le dites très-bien, Sire, l'état présent des choses, non plus que nos mœurs, ne nous permet point de mépriser les métaux. Le commerce, qui en est le canal, s'attire nécessairement l'attention des souverains. Je m'estimerais bien heureuse, Sire, si je pouvais contribuer à le rétablir entre vos États et la Saxe sur un pied également avantageux aux uns et aux autres, et je commence à protester à V. M. que l'Administrateur a toujours été fort éloigné de vouloir y mettre des entraves. Il a cru ne faire qu'user d'une précaution nécessaire au soutien de nos fabriques, qui périraient, si on ne leur assurait au moins la consommation intérieure, tandis que l'entrée des pays voisins leur est interdite. Les marchands de Leipzig auraient bien mieux aimé la liberté entière. Aussi avons-nous toujours excepté dans nos défenses le transit, les foires, et même le commerce en gros hors des foires.

Mais laissons là le passé. Nous désirons, Sire, sincèrement d'y remédier, et je ferai volontiers toutes les avances. Entre souverains, ce n'est pas le sexe qui décide. Que faut-il faire, Sire? Veuillez vous expliquer et prendre confiance en moi; nous parviendrons mille fois plus tôt à une convention utile que si de part et d'autre nous rangeons nos grosses perruques en bataille, et les laissons combattre la plume à la main. Liberté et réciprocité : n'admettez-vous pas, Sire, cette devise? Mais, quoi qu'il en arrive, il n'est au monde ni perruque ni tête qui puisse m'empêcher d'écrire à V. M., aussi longtemps qu'elle l'aura pour agréable, ni altérer les sentiments de la plus haute considération avec lesquels je suis, etc.