<187>Je prends la liberté de vous recommander le colonel de Keith, qui passe de notre petite planète chez vous. V. M. sait qu'il est ministre du roi d'Angleterre auprès de mon fils. Il m'a demandé une lettre pour elle avec les plus vives instances, et il espère qu'elle pourra fixer sur lui les regards de Frédéric. Cette supposition m'est trop glorieuse pour y résister. D'ailleurs, ce qui pourrait venir à l'appui de ma recommandation, indépendamment du mérite personnel de M. de Keith, bien recommandable par lui-même, c'est qu'il est parent de mylord Marischal, pour lequel je connais beaucoup de bontés à V. M.

J'ai appris avec la plus grande joie que vous trouvez, Sire, l'ouvrage dont le jeune baron lui a montré un échantillon, digne de décorer un petit coin de son superbe palais. Je n'attends plus que quelques éclaircissements dudit baron pour y travailler avec l'ardeur que m'inspire l'idée de travailler pour vous. Ce pauvre jeune homme me fait grand plaisir d'être content de moi. Je le suis beaucoup de ses talents naissants, et je m'assure que puisque, malgré sa grande jeunesse, ils percent déjà, V. M. ne leur refusera pas la continuation de sa bienveillance. Il dansera bien, sans doute, au carnaval de Berlin; c'est de son âge.

Ce qui me réjouit infiniment, Sire, c'est que, selon les dernières lettres de Hollande, le peu de plaisir que V. M. se permet ne sera plus troublé par l'appréhension où la maladie de madame la princesse d'Orange a dû vous jeter. D'ailleurs, l'heureuse nouvelle que me mande le baron de Pöllnitz doit vous dédommager, Sire, de cette inquiétude. Rien ne pouvait me causer plus de joie, non seulement parce que je vous l'ai un peu prédit, comme V. M. se le rappellera, car enfin le don de prophétie est celui de tous les talents dont je me passerais le plus aisément, mais surtout parce que cette chère princesse, qui va soutenir les espérances de votre maison, est une parente respectable à laquelle je m'intéresse plus que je ne puis le dire. Que ne puis-je être témoin oculaire, Sire, de vos fêtes et de votre satisfaction! Que ne puis-je être à vos pieds! Non, jamais je n'oublierai les heureux moments que j'ai passés près de vous; jamais je ne serai satisfaite que lorsque vous me permettrez de jouir derechef du même bonheur. C'est l'objet de tous mes vœux, l'objet de tous