<43>d'abuser plus longtemps des moments de V. M.; je volerais les Autrichiens, à qui vous les consacrez. Je prie Dieu toujours qu'il vous donne la paix, et que son règne nous advienne. Car, en vérité, au milieu de tant de massacres, c'est le règne du diable, et les philosophes qui disent que tout est bien ne connaissent guère leur monde. Tout sera bien quand vous serez à Sans-Souci, et que vous direz :

Alors, cher Cinéas, victorieux, contents,
Nous pouvons rire à l'aise et prendre du bon temps,a

359. A VOLTAIRE.

Landeshut, 18 mai 1759.

Non, ma muse, qui vous pardonne
Tant de lardons malicieux,
N'associa jamais Pétrone
A ces auteurs ingénieux
Qui m'accompagnent en tous lieux,
Et partagent avec Bellone
Des moments courts et précieux
Qu'un loisir fugitif me donne.

Je déteste l'impur bourbier
Où ce bel esprit trop cynique
A trempé sa plume impudique,

Et je ne veux point me souiller
Dans la fange de son fumier.

La mémoire est un réceptacle;
Le jugement d'un choix exquis
Ne doit remplir ce tabernacle
Que d'œuvres qui se sont acquis,
Au sein de leur natal pays,
Le droit de passer pour oracle.


a Boileau, Épître I, Au Roi, v. 83 et 84. Voyez t. VIII, p. 23.