<357>en marquisat de votre terre de Ferney. A force de mérite, vous forcez votre patrie à vous témoigner sa reconnaissance. Je prends part à tout ce qui arrive d'avantageux à notre bon patriarche, et je le prie de se souvenir quelquefois du solitaire de Sans-Souci. Vale.

533. AU MÊME.

Potsdam, 4 décembre 1775.

Aucune de vos lettres ne m'a fait autant de plaisir que celle que je viens de recevoir; elle me tire des inquiétudes que la nouvelle de votre maladie m'avait causées. Il faut que le Patriarche de Ferney vive longues années pour la gloire des lettres, et pour honorer le dix-huitième siècle. J'ai survécu vingt-six ans à une attaque d'apoplexie que j'eus l'année 1749.a J'espère que vous en ferez de même. Ce qu'on appelle semi-apoplexie n'est pas si dangereux; et, en observant un bon régime, en renonçant aux soupers, j'espère que nous pourrons vous conserver encore pour la satisfaction de tous ceux qui pensent.

Vous me demandez ce que c'est que l'esprit? Hélas! je vous dirai tout ce qu'il n'est pas : j'en ai si peu moi-même, que je serais bien embarrassé de le définir. Si cependant vous voulez, pour vous amuser, que je fasse mon roman comme un autre, je m'en tiendrai aux notions que l'expérience m'a données.

Je suis très-certain que je ne suis pas double; de là je me considère comme un être unique. Je sais que je suis un animal matériel, animé, organisé, et qui pense; d'où je conclus que la matière animée peut penser, ainsi qu'elle a la propriété d'être électrique.

Je vois que la vie de l'animal dépend de la chaleur et du mouvement; je soupçonne donc qu'une parcelle de feu élémentaire pourrait bien être la cause de l'un et de l'autre de ces phéno-


a C'était au mois de février 1747 que le Roi avait eu l'attaque d'apoplexie dont il parle. Voyez t. XXII, p. 186.