<313>Dorat;d le sujet m'a paru fort embrouillé. L'intérêt partagé entre trois personnes, et les passions n'étant qu'ébauchées, m'ont laissé froid à la lecture. Peut-être l'art des comédiens supplée-t-il à ces défauts, et que l'impression en est différente au spectacle. Pepin, votre maire du palais, en est le héros; il y a des situations susceptibles de pathétique; elles ne sont pas naturellement amenées, et il me semble que le poëte manque de chaleur. Vous nous avez gâtés;a quand on est accoutumé à vos ouvrages, on se révolte contre ceux qui n'ont ni les mêmes beautés, ni les mêmes agréments. Après cet aveu que je fais au nom de l'Europe, jugez combien je m'intéresse à votre conservation, et combien le Philosophe de Sans-Souci souhaite de bénédictions à l'Épictète de Ferney. Vale.

P. S. Vous voulez avoir mon vieux portrait? Je l'ai commandé incessamment pour vous satisfaire; c'est cependant ce que je puis vous envoyer de plus mauvais de ce pays.b

509. DE VOLTAIRE.

Ferney, 15 février 1775.

Sire, je ne suis point étonné que le grand baron de Pöllnitz se porte bien à l'âge de quatre-vingt-huit ans; il est grand, bien fait, bien constitué. Alexandre, qui était très-bien constitué aussi, et très-bien pris dans sa taille, mourut à trente ans, après avoir seulement remporté trois victoires; mais c'est qu'il n'était pas sobre, et qu'il s'était mis à être ivrogne.

Quand je le loue d'avoir gagné des batailles en jouant de la


d Les Deux Reines, drame en prose, imprimé en 1769. L'auteur en fit depuis son Adélaïde de Hongrie, tragédie en cinq actes et en vers, 1774.

a Vous nous avez gâté le goût. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 253.)

b Ce post-scriptum, omis dans l'édition de Kehl, est tiré des Œuvres posthumes, t. IX, p. 254.