<297>Vous souvenez-vous, Sire, d'une petite pièce charmante que vous daignâtes m'envoyer, il y a plus de quinze ans, dans laquelle vous peigniez si bien

Ce peuple sot et volage,
Aussi vaillant au pillage
Que lâche dans les combats?a

Vous savez que ce peuple de Velches a maintenant pour son Végèce un de vos officiers subalternes,b dont on dit que vous faisiez peu de cas, et qui change toute la tactique en France, de sorte que l'on ne sait plus où l'on en est. L'Europe n'est plus au temps des Condé et des Turenne, mais elle est au temps des Frédéric. Si jamais, par hasard, vous assiégiez Abbeville, je vous réponds que d'Étallonde vous servirait bien.

Ma santé décline furieusement; j'ai grand' peur de ne pas vivre assez longtemps pour voir finir son affaire. Mais elle finira bien sans moi; votre nom suffira; il ne me restera d'autre regret que de ne pas mourir auprès de V. M.

Je me mets à vos pieds avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance.

499. A VOLTAIRE.

Potsdam, 10 décembre 1774.

Non, vous ne mourrez pas de sitôt; vous prenez les suites de l'âge pour des avant-coureurs de la mort. Cette mort viendra à la fin; mais ce feu divin que Prométhée déroba aux cieux, et qui vous remplit, vous soutiendra et vous conservera encore longtemps.

«  »


a Voyez t. XII, p. 14; t. XIII, p. 166; et ci-dessus, p. 62.

b Jean-Ernest de Pirch, d'abord page du Roi, puis lieutenant au régiment d'infanterie du lieutenant-général de Saldern, à Magdebourg, mort le 20 février 1783, au camp de Santa-Maria en Espagne; il était alors colonel d'un régiment français, et avait trente-huit ans.