<259>difficile à l'Impératrice, il faut espérer que ses généraux mettront heureusement fin à une aussi pénible expédition.

Voilà des raisonnements militaires qui m'échappent; j'en demande pardon à la philosophie. Je ne suis qu'un demi-quaker jusqu'à présent; quand je le serai comme Guillaume Penn, je déclamerai comme d'autres contre ces assassins privilégiés qui ravagent l'univers.

En attendant, donnez-moi mon absolution d'avoir osé nommer le nom de projet de campagne en vous écrivant. C'est dans l'espoir de recevoir votre indulgence plénière que le Philosophe de Sans-Souci vous assure qu'il ne cesse de faire des vœux pour le Patriarche de Ferney. Vale.

474. AU MÊME.

Potsdam, 24 octobre 1773.a

S'il m'est interdit de vous revoir à tout jamais, je n'en suis pas moins aise que la duchesse de Würtemberg vous ait vu. Cette façon de converser par procuration ne vaut pas le facie ad faciem. Des relations et des lettres ne tiennent pas lieu de Voltaire, quand on l'a possédé en personne.

J'applaudis aux larmes vertueuses que vous avez répandues au souvenir de ma défunte sœur. J'aurais sûrement mêlé les miennes aux vôtres, si j'avais été présent à cette scène touchante. Soit faiblesse, soit adulation outrée, j'ai exécuté pour cette sœur ce que Cicéron projetait pour sa Tullie.a Je lui ai érigé un templeb dédié à l'Amitié; sa statue se trouve au fond, et chaque colonne est chargée d'un mascaron contenant le buste des héros de l'amitié. Je vous en envoie le dessin. Ce temple est placé dans


a Le 11 octobre 1773. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 204.)

a Lettres de Cicéron à Atticus, livre XII, lettres 18, 35, 36, 37, 38, etc.

b A Potsdam, en 1768. Le Temple de l'Amitié, poëme de Voltaire, est de l'an 1732. Voyez ses Œuvres, t. XII, p. 33-37.