<118>De ceux qui, s'unissant avec nos ennemis,
Ont servi les desseins d'une cour tyrannique,
Et qui se sont perdus pour perdre leurs amis;

mais nous ne ferons jamais il hait de deux syllabes; prenez, Sire, votre parti là-dessus, et ayez la bonté de changer ce vers; cela vous sera bien aisé.a

Où est le temps, Sire, où j'avais le bonheur de mettre des points sur les i à Sans-Souci et à Potsdam? Je vous assure que ces deux années ont été les plus agréables de ma vie. J'ai eu le malheur de faire bâtir un château sur les frontières de France, et je m'en repens bien. Les Patagons, la poix-résine, l'exaltation de l'âme, et le trou pour aller tout droit au centre de la terre, m'ont écarté de mon véritable centre. J'ai payé ce trou bien chèrement. J'étais fait pour vous. J'achève ma vie dans ma petite et obscure sphère, précisément comme vous passez la vôtre au milieu de votre grandeur et de votre gloire. Je ne connais que la solitude et le travail; ma société est composée de cinq ou six personnes qui me laissent une liberté entière, et avec qui j'en use de même; car la société sans la liberté est un supplice. Je suis votre Gille en fait de société et de belles-lettres.

J'ai eu ces jours-ci une très-légère attaque d'apoplexie, causée par ma faute. Nous sommes presque toujours les artisans de nos disgrâces. Cet accident m'a empêché de répondre à V. M. aussitôt que je l'aurais voulu.

Le diable est déchaîné dans Genève. Ceux qui voulaient se retirer à Clèves restent. La moitié du conseil et ses partisans se sont enfuis; l'ambassadeur de France est parti incognito, et est venu se réfugier chez moi.

J'ai été obligé de lui prêter mes chevaux pour retourner à Soleure. Les philosophes qui se destinent à l'émigration sont fort embarrassés; ils ne peuvent vendre aucun effet, tout commerce est cessé, toutes les banques sont fermées. Cependant on écrira à M. le baron de Werder, conformément à la permission donnée


a Frédéric profita de la critique, et voici comment ce vers a été imprimé dans les Œuvres posthumes, t. VII, p. 353 :
     

L'absinthe à votre goût est âpre et trop amère.

Voyez notre t. XII, p. 210.