<101>J'ai lu avec plaisir la petite brochurec que vous m'avez envoyée; elle fera plus d'impression qu'un gros livre; peu de gens raisonnent, au lieu que chaque individu est susceptible d'émotion à la narration simple d'un fait. Il ne m'en fallait pas tant pour assister ces malheureux que le fanatisme prive de leur patrie dans le royaume le plus policé de l'Europe; ils trouveront des secours, et même un établissement, s'ils le veulent, qui pourra les soustraire aux atrocités de la persécution et aux longues formalités d'une justice que peut-être on ne leur rendra pas. Voilà ce que je puis faire, et ce que je m'offre d'exécuter, tant en faveur de l'auteur de la Henriade que de sa nièce, de son jésuite Adam, et de son hérétique Sirven. Je prie le ciel qu'il les conserve tous dans sa sainte garde.

388. AU MÊME.

Potsdam, 7 août 1766.

Mon neveua m'a écrit qu'il se proposait de visiter, en passant, le philosophe de Ferney. Je lui envie le plaisir qu'il a eu de vous entendre. Mon nom était de trop dans vos conversations; et vous aviez tant de matières à traiter, que leur abondance ne vous imposait pas la nécessité d'avoir recours au Philosophe de Sans-Souci pour fournir à vos entretiens.

Vous me parlez d'une colonie de philosophes qui se proposent de s'établir à Clèves. Je ne m'y oppose point; je puis leur accorder tout ce qu'ils demandent, au bois près, que le séjour de leurs compatriotes a presque entièrement détruit dans ces forêts, toutefois à condition qu'ils ménagent ceux qui doivent être ménagés, et que, en imprimant, ils observent de la décence dans leurs écrits.

La scène qui s'est passée à Abbeville est tragique; mais n'y


c Avis au public sur les parricides imputés aux Calas et aux Sirven. Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XLII, p. 385-416.

a Le prince héréditaire de Brunswic. Voyez t. XII, p. 25.