198. A VOLTAIRE.

Le 22 février 1743.

Nous avons dit hier de vous tout le bien que l'on peut dire d'un mortel. La salle du souper était un temple où l'on vous faisait <125>des sacrifices. Il faut assurément qu'il y ait quelque chose de divin en vous, car vous récompensez d'abord les bonnes actions, dès qu'elles sont faites. Je viens de recevoir, ce matin, une lettre charmante, et qui m'a bien réjoui, n'en ayant point reçu de vous depuis longtemps. J'ai été accablé d'affaires deux mois de suite, ce qui m'a empêché de vous écrire plus tôt.

Je vous demande à présent une nouvelle explication au sujet de votre avant-dernière lettre, car voilà le cardinal mort,141-a et les affaires se font d'une façon différente. Il est bon de savoir quels sont les canaux dont il faut se servir. J'ai participé vivement à vos trophées; il m'a semblé que j'avais fait Mérope, et que c'était à moi que le public rendait justice.

Je suis sur le point de partir pour la Silésie, mais ce ne sera que pour peu de temps; après quoi je renouerai mon commerce avec les Muses. Envoyez-moi, je vous prie, la Pucelle (j'ai la rage de la dépuceler), et votre Histoire, et vos épigrammes, et vos odes, et vous-même. Enfin j'espère d'une ou d'autre façon de vous voir ici. Ne me faites point injustice sur mon caractère; d'ailleurs il vous est permis de badiner sur mon sujet comme il vous plaira.

Adieu, cher Voltaire; je vous aime, je vous estime, et vous aimerai toujours.


141-a Le 29 janvier 1743.