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275. A VOLTAIRE.a

Potsdam, 28 février 1751.

Si vous voulez venir ici, vous en êtes le maître. Je n'y entends parler d'aucun procès, pas même du vôtre. Puisque vous l'avez gagné, je vous en félicite, et je suis bien aise que cette vilaine affaire soit finie. J'espère que vous n'aurez plus de querelles ni avec le Vieux, ni avec le Nouveau Testament; ces sortes de compromis sont flétrissants, et avec les talents du plus bel esprit de France, vous ne couvrirez pas les taches que cette conduite imprimerait, à la longue, à votre réputation. Un libraire Gosse, un violon de l'Opéra,b un juif joaillier, ce sont en vérité des gens dont, dans aucune sorte d'affaires, les noms ne devraient se trouver à côté du vôtre. J'écris cette lettre avec le gros bon sens d'un Allemand, qui dit ce qu'il pense, sans employer de termes équivoques et de flasques adoucissements qui défigurent la vérité; c'est à vous d'en profiter.

276. DE VOLTAIRE.

Samedi (1751).

Sire, toutes choses mûrement considérées, j'ai fait une lourde faute d'avoir un procès contre un juif, et j'en demande bien pardon à V. M., à votre philosophie et à votre bonté. J'étais piqué, j'avais la rage de prouver que j'avais été trompé. Je l'ai prouvé, et après avoir gagné ce malheureux procès, j'ai donné à ce maudit Hébreu plus que je ne lui avais offert d'abord, pour reprendre ses maudits diamants, qui ne conviennent point à un homme de lettres. Tout cela n'empêche pas que je ne vous aie consacré ma vie. Faites de moi tout ce qu'il vous plaira. J'avais mandé à


a Cette lettre est tirée de l'édition de Bâle, t. II, p. 248 et 249.

b Travenol.