<121>Adieu; portez-vous bien, ne m'oubliez pas, et surtout ne prenez point racine à Paris, sans quoi je suis perdu.

196. AU MÊME.

Berlin, 5 décembre 1742.

Au lieu de votre Pucelle et de votre belle Histoire, je vous envoie une petite comédiea contenant l'extrait de toutes les folies que j'ai été en état de ramasser et de coudre ensemble. Je l'ai fait représenter aux noces de Césarion, et encore a-t-elle été fort mal jouée. D'Éguilles,b qui m'a rendu votre lettre d'antique date, est arrivé. On dit qu'il a plus d'étoffe que son frère; je n'ai pas encore été en état d'en juger. Je n'ai de la Pucelle que l'alpha et l'oméga; si je pouvais avoir les IVe, Ve, VIe et VIIe chants, alors ce serait un trésor dont vous m'auriez mis pleinement en possession.

Il me semble que les créanciers de mesdames les dix-sept Provinces sont aussi pressés de leur payement que messieurs les maréchaux de France sont lents dans leurs opérations. Pour ce qui regarde vos créanciers, je vous prie de leur dire que j'ai beaucoup d'argent à liquider avec les Hollandais, et qu'il n'est pas encore clair qui de nous deux restera le débiteur.

Si Paris est l'île de Cythère, vous êtes assurément le satellite de Vénus; vous circulez à l'entour de cette planète, et suivez le cours que cet astre décrit de Paris à Bruxelles et de Bruxelles à Cirey. Berlin n'a rien qui puisse vous y attirer, à moins que nos astronomes de l'Académie ne vous y incitent avec leurs longues lunettes. Nos peuples du Nord ne sont pas aussi mous que les peuples d'Occident; les hommes, chez nous, sont moins efféminés, et par conséquent plus mâles, plus capables de travail, de patience, et peut-être moins gentils, à la vérité. Et c'est juste-


a Le Singe de la mode. Voyez t. XIV, p. XVIII, no LII, et p. 317-346.

b Frère cadet du marquis d'Argens. Voyez t. XII, p. 98.