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189. DE VOLTAIRE.

Le 29 août 1742.

Après votre belle campagne,
Après ces vers brillants et doux,
Grand Apollon de l'Allemagne,
Dans quel Parnasse habitez-vous?
Vous êtes dans Aix, entre nous,
Comme au pays de Charlemagne,
Et non pas comme au rendez-vous
Des fiévreux, des sots et des fous,
Qu'un triste esculape accompagne.

Permettez, mon héros, mon roi, qu'une abominable fluxion, qui s'est emparée de moi sur le chemin de Lille à Bruxelles, soit un peu diminuée pour que je vole à Aix-la-Chapelle. Cette fluxion me rend sourd, et il ne faut pas l'être avec V. M.; ce serait être impuissant en présence de sa maîtresse. Je vais, pendant les deux ou trois jours que je suis condamné à rester dans mon lit, faire transcrire le Mahomet, tel qu'il a été joué, tel qu'il a plu aux philosophes, et tel qu'il a révolté les dévots; c'est l'aventure du Tartuffe. Les hypocrites persécutèrent Molière, et les fanatiques se sont soulevés contre moi. J'ai cédé au torrent sans dire un seul mot; si Socrate en eût fait autant, il n'eût point bu la ciguë.

J'avoue que je ne sais rien qui déshonore plus mon pays que cette infâme superstition, faite pour avilir la nature humaine. Il me fallait le roi de Prusse pour maître, et le peuple anglais pour concitoyen. Nos Français, en général, ne sont que de grands enfants; mais aussi, c'est à quoi je reviens toujours, le petit nombre des êtres pensants est excellent chez nous, et demande grâce pour le reste.

A l'égard de mon bavardage historique, une première cargaison partit le 20 de ce mois de Paris, adressée au fidèle David Girard, et la seconde est toute prête. J'ai déjà demandé pardon à V. M. de la peine qu'elle aura peut-être à déchiffrer le caractère