<17>justice au mérite éclatant, à la vertu et aux talents des grands hommes, de quelque nation qu'ils soient.

Je sais, monsieur, à quel chagrin je vous exposerais, si j'avais l'indiscrétion de communiquer les ouvrages manuscrits que vous voudrez bien me confier. Reposez-vous, je vous supplie, sur mes engagements à ce sujet; ma foi est inviolable.

Je respecte trop les liens de l'amitié pour vouloir vous arracher des bras d'Émilie. Il faudrait avoir le cœur dur et insensible pour exiger de vous un pareil sacrifice; il faudrait n'avoir jamais connu la douceur qu'il y a d'être auprès des personnes que l'on aime, pour ne pas sentir la peine que vous causerait une telle séparation. Je n'exigerai de vous que de rendre mes hommages à ce prodige d'esprit et de connaissances. Que de pareilles femmes sont rares!

Soyez persuadé, monsieur, que je connais tout le prix de votre estime, mais que je me souviens en même temps d'une leçon que me donne la Henriade :

C'est un poids bien pesant qu'un nom trop tôt fameux,a

Peu de personnes le soutiennent; tous sont accablés sous le faix.

Il n'est point de bonheur que je ne vous souhaite, et aucun dont vous ne soyez digne. Cirey sera désormais mon Delphes, et vos lettres, que je vous prie de me continuer, mes oracles. Je suis, monsieur, avec une estime singulière, votre très-affectionné ami.

4. AU MÊME.

Remusberg, 7 novembre 1736.

Monsieur, je suis infiniment sensible à l'honneur que vous me faites de placer mon nom à la tête du bel ouvrage que vous venez


a La Henriade. chant III. v. 41. Frédéric a aussi inséré ce vers dans sa lettre à Darget, du 31 juillet 1752. Voyez t. XX, p. 38.