<129>et principalement sans l'idée de sa puissance, de sa sagesse et de sa prescience, est un son qui n'a aucune signification, et qui ne se rapporte à rien absolument.

J'avoue qu'il faut, si je puis m'exprimer ainsi, entasser ce qu'il y a de plus noble, de plus élevé et de plus majestueux pour concevoir, quoique très-imparfaitement, ce que c'est que cet Être créateur, cet Être éternel, cet Être tout-puissant, etc. Cependant j'aime mieux m'abîmer dans son immensité que de renoncer à sa connaissance et à toute l'idée intellectuelle que je puis me former de lui.

En un mot, s'il n'y avait pas de Dieu, votre système serait l'unique que j'adopterais; mais comme il est certain que ce Dieu est, on ne saurait assez mettre de choses sur son compte. Après quoi il reste encore à vous dire que, comme tout est fondé, ou bien comme tout a sa raison dans ce qui l'a précédé, je trouve la raison du tempérament et de l'humeur de chaque homme dans la mécanique de son corps. Un homme emporté a la bile facile à émouvoir; un misanthrope a l'hypocondre enflé; le buveur, le poumon sec; l'amoureux, le tempérament robuste, etc. Enfin, comme je trouve toutes ces choses disposées de cette façon dans notre corps, je conjecture de là qu'il faut nécessairement que chaque individu soit déterminé d'une façon précise, et qu'il ne dépend point de nous de ne point être du caractère dont nous sommes. Que dirai-je des événements qui servent à nous donner des idées et à nous inspirer des résolutions, comme, par exemple, le beau temps m'invite à prendre l'air, la réputation d'un homme de bon goût, qui me recommande un livre, m'engage à le lire, ainsi du reste? Si donc on ne m'avait jamais dit qu'il y eût un Voltaire au monde, si je n'avais pas lu ses excellents ouvrages, comment est-ce que ma volonté, cet agent libre, aurait pu me déterminer à lui donner toute mon estime? En un mot, comment est-ce que je puis vouloir une chose, si je ne la connais pas?

Enfin, pour attaquer la liberté dans ses derniers retranchements, comment est-ce qu'un homme peut se déterminer à un choix ou à une action, si les événements ne lui en fournissent l'occasion? Et ces événements, qui est-ce qui les dirige? Ce ne peut être le hasard, puisque le hasard est un mot vide de sens.