<6>quelles il est avec lui-même, et j'ai tâché d'égayer la matière aux endroits que cela m'a paru convenable. On instruit toujours mal lorsqu'on ennuie, et le grand art est de ne point faire bâiller le lecteur. Il ne fallait pas la force d'Hercule pour dompter le monstre de Machiavel, ni l'éloquence de Bossuet pour prouver à des êtres pensants que l'ambition démesurée, la trahison, la perfidie et le meurtre étaient des vices contraires au bien des hommes, et que la véritable politique des rois et de tout honnête homme est d'être bon et juste. Si j'avais cru que ce dessein surpassât mes forces, je ne l'aurais point entrepris.

Je n'aurais point d'un vain honneur
Cherché le frivole avantage,
Car je mesure à ma vigueur
Tous mes efforts et mon courage.
Le Turc, dit-on, en son sérail
A cent beautés pour son usage;
Mais chaque jour un pucelage
Mérite un vigoureux travail.
Qu'il fasse donc, s'il veut, sa ronde,
Qu'Atlas lui seul porte le monde,
Qu'Hercule dompte des géants,
Que les dieux vainquent les Titans,
Une moins illustre victoire,
Honorant assez mes talents,
Suffira toujours à ma gloire.

Je suis ravi de ce que vous conservez encore le souvenir d'un endroit où l'on éternise votre mémoire. Vous êtes immortel chez nous, et le nom d'Algarotti périra aussi peu à Remusberg que celui du dieu Terme chez les Romains. Vos collections de jardinage, mon cher Algarotti, me seront d'autant plus agréables, qu'elles me procureront de vos nouvelles. Je regarde les hommes d'esprit comme des séraphins en comparaison du troupeau vil et méprisable des humains qui ne pensent pas. J'aime à entretenir correspondance avec ces intelligences supérieures, avec ces êtres qui seraient tout à fait spirituels, s'ils n'avaient pas des corps; ce sont l'élite de l'humanité. Je vous prie de faire mes amitiés à mylord Baltimore, dont j'estime véritablement le caractère et la façon de penser; j'espère qu'il aura reçu à présent mon Épître