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24. A LA MÊME.

Leipzig, 3 janvier 1761.



Madame ma cousine,

Chacune de vos lettres, mon adorable duchesse, augmente pour vous mon admiration et ma reconnaissance. Vous surpassez, madame, toutes mes espérances, et vous donnez un bien bel exemple au monde de l'amitié et de ses obligations les plus étendues. Puissé-je y répondre, de mon côté, en vous servant, en vous étant utile, et en pouvant trouver l'occasion de vous prouver que vous n'avez pas obligé un ingrat! Je vous avoue, madame, que je suppose à ce M. Butea un cœur de fer et des entrailles d'airain. Plutôt détournerait-on le cours du Danube, plutôt fondrait-on les rochers de la Thuringe, que de lui faire changer de sentiments. Cependant il est beau de l'entreprendre. Si vous y réussissez, madame, souffrez que j'élève votre entreprise au-dessus de tous les travaux d'Hercule. Je me flatte que la diète sera plus traitable. Les princes commencent tous à concevoir que la guerre qu'on leur faisait faire n'était pas pour eux. La cour de Vienne fait aussi paraître plus de velléités pour la paix que jusqu'ici elle n'en a témoigné, ce qui me donne quelque espérance que nous touchons à la fin de nos maux et de nos embarras. Il en était bien temps. Il n'y a rien de si ridicule que de se battre toujours, surtout quand on ne sait pas pourquoi. Enfin, madame, vous contribuerez à cette paix, qui m'en deviendra plus chère par la part que vous y avez. J'ai aussi donné des ordres à l'instant à l'officier qui est à Gotha, pour qu'il ralentisse sa commission, ne désirant, madame, que de vous témoigner en toute occasion l'ardent désir que j'ai de vous complaire en tout ce qui dépend de moi.

Daignez recevoir ces prémices de mes bonnes intentions comme les arrhes de l'avenir, et comptez-moi, ma chère duchesse, pour le plus zélé de vos amis et de vos adorateurs. Ce


a Voyez t. V, p. 173, 174, 178, 179 et 248.