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135. DU COMTE ALGAROTTI.

Pise, 11 mars 1763.



Sire,

Les vœux de l'humanité et les vôtres sont exaucés. Je félicite Votre Majesté sur sa modération dans le sein de la victoire, et de ce qu'elle va cultiver des lauriers qui ne seront point arrosés par le sang. Oserais-je percer dans le repos glorieux de V. M.? Après avoir ranimé l'industrie et les arts, je vois cette main qui a donné tant de batailles les consacrer à l'immortalité. Ces divinités militaires, les Scipion, les César, les Alexandre, qui ont eu jusqu'à présent notre adoration, ne l'ont pas, ce me semble, trop chèrement achetée : ils n'avaient qu'un seul ennemi en tête, et encore quelquefois quel ennemi! V. M. a eu pendant six années en tête et à dos l'Europe presque entière, entourée par des armées toujours supérieures en nombre et presque égales en discipline. Il n'y avait que V. M. qui pût soutenir la guerre qu'elle vient de terminer par cette glorieuse paix; il n'y a qu'elle qui puisse l'écrire. Eodem animo dixit quo bellavit. Serai-je assez heureux pour parvenir un jour à lire ce livre, la gloire du siècle, qui contiendra les plus beaux fastes de notre espèce? C'est alors que je dirai : Nunc dimittis servum, etc., quia viderunt oculi mei, etc.a

136. AU COMTE ALGAROTTI.

Berlin, 14 avril 1763.

Je vous remercie de la part que vous prenez à la paix que nous avons conclue. Faites aussi bien la vôtre avec vos poumons que nous avons fait la nôtre avec les Autrichiens; je l'apprendrai avec plaisir. J'aimerais mieux que vous fussiez à Pise pour autre


a Saint Luc, chap. II, v. 29 et 30.