<307>pensées et les raisons de ma conduite, que je soumets avec timidité à votre jugement.

6. A MAURICE DE SAXE.

Charlottenbourg, 3 novembre 1746.



Monsieur le maréchal,

La lettre que vous me faites le plaisir de m'écrirea m'a été très-agréable; je crois quelle peut servir d'instruction pour tout homme qui est chargé de la conduite d'une armée. Vous donnez des préceptes que vous soutenez par vos exemples, et je puis vous assurer que je n'ai pas été des derniers à applaudir aux manœuvres que vous avez faites.

Dans les premiers bouillons de la jeunesse, lorsqu'on ne suit que la vivacité d'une imagination qui n'est pas réglée par l'expérience, on sacrifie tout aux actions brillantes et aux choses singulières qui ont de l'éclat. A vingt ans, Boileau estimait Voiture; à trente ans, il lui préférait Horace.

Dans les premières années que j'ai pris le commandement de mes troupes, j'étais pour les pointes;b mais tant d'événements que j'ai vus arriver, et auxquels j'ai eu part, m'en ont désabusé. Ce sont les pointes qui m'ont fait manquer ma campagne de 1744; et c'est pour avoir mal assuré la position de leurs quartiers que les Français et les Espagnols ont enfin été réduits à abandonner l'Italie.

J'ai suivi pas à pas votre campagne de Flandre, et, sans que


a La lettre du maréchal de Saxe dont le Roi parle, datée du camp de Tongres, le 14 octobre 1746, et contenant un rapport sur la bataille de Rocoux, est purement militaire; c'est pour cela que nous ne l'imprimons pas ici. Elle se trouve dans les Lettres et mémoires choisis parmi les papiers originaux du maréchal de Saxe, t. III, p. 272-275. Le manuscrit original en est conservé aux archives du grand état-major de l'armée, à Berlin.

b Voyez t. III, p. 65 et 98, t. VII, p. 91, et la lettre de Frédéric au marquis d'Argens, du 28 mai 1759.