<57>m'avait pas écrit, et qu'il y en avait huit que j'avais écrit ma dernière lettre : que je ne savais aucune raison à lui alléguer; mais la véritable est que je manque de matière, et que je ne sais souvent de quoi remplir ma page. Mon Dieu, je voudrais que l'on se ressouvînt un peu que l'on m'a proposé ce mariage nolens volens, et que la liberté en était le prix. Mais je crois que la grosse tripière, madame la digne duchesse, me joue ce tour-là, crovant de me ranger de bonne heure sous l'obéissance de sa fontange altière, laquelle je souhaite du fond de mon cœur que le diable foudroie. Je n'espère pas que le Roi se mêlera de mes affaires dès que je serai marié, ou bien je crains fort que les affaires n'aillent fort mal, et madame la princesse en pourra pâtir. Le mariage rend majeur, et dès que je le suis, je suis le souverain dans ma maison, et ma femme n'y a rien à ordonner; car point de femme dans le gouvernement de rien au monde! Je crois qu'un homme qui se laisse gouverner par des femmes est le plus grand coïon du monde, et indigne de porter le digne nom d'homme. C'est pourquoi, si je me marie en galant homme, c'est-à-dire laissant agir madame comme bon lui semble, et faisant de mon côté ce qui me plaît, et vive la liberté!

Vous voyez, mon cher général, que j'ai le cœur un peu gros et la tête chaude; mais je ne saurais me contraindre, et je vous dis mes sentiments comme je les pense devant Dieu. Vous m'avouerez pourtant que la force est une voie bien opposée à l'amour, et que jamais l'amour ne se laisse forcer. J'aime le sexe, mais je l'aime d'un amour bien volage; je n'en veux que la jouissance, et après, je le méprise. Ainsi jugez si je suis du bois dont on fait les bons maris. J'enrage de le devenir, mais je fais de nécessité vertu. Je tiendrai ma parole, je me marierai; mais après, voilà qui est fait, et bonjour, madame, et bon chemin. Je vous demande bien pardon, mon cher général, de vous incommoder de ces sortes de nouvelles, qui ne sont point agréables, ni pour ceux qui les reçoivent, ni pour ceux qui les apprennent. Toujours vous comprendrez que cette manière d'agir ne fait que du mauvais sang, et que plus que l'on s'imagine de contrainte, plus que l'on prend d'aversion pour la chose vers laquelle l'on vous contraint. Enfin, je finis de vous ennuyer, mon cher général,