<47>Prince voyait la princesse d'Eisenach, belle comme on me l'a dépeinte, c'est-à-dire orgueilleuse et nullement d'esprit, qu'il préférerait cette jeune personne, qui se fera de jour en jour. Mais ce ne sont pas mes affaires. La matière devient trop délicate, et je veux absolument me retirer de tout cela; je vois une malédiction déclarée sur la maison, dont les effets ne peuvent manquer, et je veux me tenir à mon directoire, et les autres n'ont qu'à démêler la fusée, car ce dernier coup m'ouvre les yeux. On écrit une lettre positive au Roi, et puis un autre doit se mettre à la brèche et risquer vie et honneur, pour ne rien effectuer que de jeter celui qui veut bien avoir la bonté de l'employer dans le dernier des malheurs. Que S.A. R. épouse madame d'Eisenach ou la Vénus la plus parfaite, tout cela m'est la même chose. Je vous supplie pour toute grâce d'oublier que nous nous soyons jamais écrit, et de disposer S. A. R. de m'oublier totalement; je n'aurai pas moins de zèle ni de ferveur pour les intérêts de la maison, et tant que mon maître vivra, je le servirai avec le dernier zèle et avec fidélité, fussé-je persuadé qu'il mourrait dans huit jours d'ici. Je ne suis pas fait pour souffler froid et chaud, et je vous prie d'être persuadé que je suis, etc.

Dans le moment on me fait dire que le Roi a mal passé la nuit, et qu'il a mal à son pied gauche. Comme apparemment vous viendrez bientôt à Berlin, je crois qu'il sera superflu de répondre à cette lettre; et le moins qu'on se pourra voir à Berlin sera le mieux, car je ne veux absolument pas me mettre entre père et fils. Je me suis assez exposé; il est temps de songer à sa propre conservation, ce qui est dans l'ordre, permis devant Dieu et les hommes, d'autant plus que je ne suis pas appelé à cela; et je ne me repens que trop de ce que mon bon cœur et mes bonnes intentions m'ont exposé de perdre les bonnes grâces d'un prince qui aura du bon, si le bon Dieu le fixe et lui donne plus d'années et encore quelques malheurs, car je crois qu'il en abusera moins que de trop de bonne fortune. Grand Dieu! quand je songe qu'un homme parle de se donner un coup de pistolet, sans avoir vu ni examiné un sujet dont les suites sont si éloignées; quand je songe qu'il écrit une lettre positive à son père, et qu'à moi il parle d'extrémités épouvantables, sans m'alléguer un seul expédient,