<335>quand le monde entier retentirait de nouvelles toutes dignes d'attirer votre attention, oh! laissez-moi encore espérer, grand et aimable prince, qu'elles ne vous feront jamais oublier l'heureux mortel que vous avez daigné élever à la dignité de votre ami, et qui vous est dévoué de cœur et d'âme, etc.

59. A M. DE SUHM.

Remusberg, 12 septembre 1737.



Mon cher Diaphane,

J'ai reçu, mon cher, votre belliqueuse lettre; je n'y vois que les triomphes du comte de Münnich et la défaite des Turcs et des Tartares. Je vous avoue que je suis de ces personnes qui aiment à partager la gloire des autres, et que, sans la philosophie, je verrais avec inquiétude tant de grandes actions sans y assister. Le comte de Münnich paraît vouloir faire l'Alexandre de ce siècle; il gagne des batailles comme on renverse des jeux de cartes, et sait conquérir des provinces avec plus de rapidité que d'autres ne les parcourent.

Il y a un bonheur à venir à propos dans le monde, sans quoi on ne fait jamais rien. Le prince d'Anhalt, qui est peut-être le plus grand général du siècle, demeure dans une obscurité dont lui seul peut ressentir tout le poids; et d'autres, qui ne le valent pas de bien loin, sont les arbitres de la terre. Cela revient à ce que je viens de dire, qu'il ne suffit pas d'avoir simplement du mérite, mais qu'il faut encore être en passe de le pouvoir faire éclater.

Les paisibles habitants de Remusberg ne sont pas si belliqueux; je me fais une plus grande affaire de défricher des terres que de faire massacrer des hommes, et je me trouve mille fois plus heureux de mériter une couronne civique que le triomphe.

Nous allons représenter l'Œdipe de Voltaire,a dans lequel je


a Le Mithridate de Racine avait été représenté à Rheinsberg au mois d'octobre 1736. Voyez le Journal secret du baron de Seckendorff, p. 159 et 160, et la lettre de Fouqué à Frédéric, du 27 avril 1760.