<279>seigneur, de vous le dire sans flatterie, un esprit prophétique semble me dévoiler dans l'avenir que V. A. R., par cette grande qualité, l'une des plus précieuses, sans doute, et des plus nécessaires dont un prince puisse être doué, fera un jour l'étonnement de l'Europe et l'admiration de la postérité. C'est la connaissance que j'ai des grandes qualités de votre auguste personne, c'est la force de la conviction qui m'arrache cette prophétie; et c'est l'une de vos plus belles qualités, monseigneur, la plus touchante, la plus rare dans un prince, celle qui, en vous, donne tant de relief à toutes les autres, c'est votre grande modestie enfin, qui, levant tous mes scrupules sur le danger d'une louange qui, donnée à tout autre objet, aurait tout l'air d'une flatterie, semble même m'imposer le devoir de vous dire sans détour, monseigneur, ce que je viens de penser à votre égard. La louange peut gâter un esprit vain et trop ambitieux; mais elle ne fait que donner plus d'énergie à une âme modeste qui, sachant s'apprécier au juste elle-même, s'élève, par le sentiment de son véritable prix, même au-dessus de la flatterie.

Le jugement que V. A. R. porte de notre philosophe est tout à l'ait juste, et tel que le méritent la profondeur et la solidité de ses raisonnements; et quoique nous ne soyons pas encore parvenus à ce qu'il y a de plus profond et de plus intéressant pour l'homme dans sa Métaphysique, nous avons cependant déjà rencontré, chemin faisant, tant de belles connaissances, qu'elles seules suffisent déjà à payer largement les peines de notre entreprise.

Vous avez raison, monseigneur, de dire que toute personne qui veut apprendre à raisonner juste devrait étudier la Métaphysique de Wolff. Mais assurément, pour que tout le monde apprît à raisonner toujours juste, il ne suffirait pas à chacun d'avoir étudié la Métaphysique de ce célèbre philosophe, ni même de savoir tous ses ouvrages par cœur; car, sans compter que, pour apprendre à raisonner de Wolff, il faut apporter, en l'étudiant, un fonds de raison et de jugement qui est un don de la nature, et non un fruit de l'étude, il faut encore réfléchir que, pour que l'homme fût toujours en état de faire usage de cette facilité et de cette justesse de raisonnement qu'il aurait pu acqué-