<182>à l'instigation d'un grand roi de l'Europe que nous faisons la guerre aux Moscovites; on se dit à l'oreille que ce roi a répandu des sommes considérables dans le divan pour accélérer cette malheureuse guerre; et le peuple, qui prend tous les étrangers pour être de cette nation qu'il accuse d'être cause de ses infortunes, veut se venger sur eux des succès des Moscovites. Un bruit sourd se répand également que le pape même se mêle de nos affaires, qu'il souffle au feu, et qu'il a écrit au mufti de la Sublime Porte pour qu'il encourage nos expéditions militaires. - Cela n'est pas possible, répliquai-je. Quelle apparence y a-t-il que le saint-siége entre en correspondance avec le premier pontife de la secte mahométane? Vous savez que de tout temps les papes ont fait l'honneur aux Turcs de les haïr le plus cordialement du monde; une haine aussi invétérée ne s'éteint pas aussi vite; et puis, ne savez-vous pas combien la cour de Rome est délicate sur ce qu'on appelle le puntiglio, et combien elle vétille sur un certain cérémonial usité dans ses correspondances? Comment serait-il donc possible que, au mépris des anciens usages, un pape frayât le chemin infini qui est entre le souverain mépris que tous les pontifes ont affiché pour les musulmans et une correspondance amicale entre des personnes aussi discordantes? - Les souverains, me repartit-il, savent tourner le manteau à tout vent; dès qu'il s'agit de leurs intérêts, les formules se plient à leur volonté; et après tout ce qui est arrivé durant les dix-sept siècles dont nous avons l'histoire détaillée, un homme sage ne doit envisager aucun événement comme impossible. Mais, pour abréger la controverse, je vous avouerai que j'ai entre les mains cette lettre du pape dont il s'agit, et que même je puis vous la montrer. Je lui demandai de m'accorder cette faveur; il me la lut, et me permit même de la copier. Je tombai de mon haut à cette lecture, et il me fallut même du temps pour revenir de ma perplexité. Je vous envoie cette lettre étrange, digne de toute votre curiosité. A présent je ne doute plus de rien; gare qu'un jour le saint-père ne se fasse circoncire, et n'enjoigne aux fidèles d'en faire autant; aux sept sacrements que nous avons de fait, celui-ci serait le huitième. Il est vrai que J. G a été circoncis; cependant il serait