<75>Est maudite à Genève et condamnée à Rome;
Ainsi l'homme, à penser du ciel autorisé,
De l'Église est puni, parce qu'il a pensé.
En Europe et partout, le bon sens à la gêne,
Intimidé, puni, ne respire qu'à peine;
Le scrupule et la peur nous tiennent engagés,
De l'éducation timides préjugés.
La foi, le glaive en main, couvre notre paupière
D'un voile impénétrable aux traits de la lumière;
Et l'ignorance amène, avec l'obscurité,
L'aveugle obéissance et la crédulité.
En vain l'âme en soi-même, esclave rétrécie,
Cherche encor le ressort de son libre génie;
Comme on voit des serins entourés par des fers,
Dont l'aile n'a jamais fendu le champ des airs,
Qui, tristes prisonniers, méconnaissent l'usage
De ces agiles bras que couvre leur plumage,
Tandis que l'aigle libre, ayant pris son essor,
D'un vol précipité s'éloigne de ce bord;
Il part à coups pressés, il traverse la nue,
Et s'ouvre dans les cieux des routes inconnues.
O trop heureux pays, où, par la liberté,
Fleurissent les beaux-arts, l'esprit, la vérité!
O toi, pays charmant, pays que je révère!
Quand verrai-je tes bords, respectable Angleterre,
Savante nation, dont les soins vigilants
Animent à la fois la vertu, les talents?
Tout art est estimé, tout succès a sa gloire,
Et quiconque est illustre a fondé sa mémoire.
Anglais, vous surpassez l'esprit grec et romain,
Vos sages font honneur à tout le genre humain;
Dans la nuit du chaos vous portez la lumière,
Vous trouvez les secrets de la nature entière.
Newton, de l'univers profond calculateur,
Arracha ses ressorts des mains du Créateur,
Ces ressorts si cachés, qui, dans l'espace immense,
Se dérobaient aux yeux de l'humaine science.