<51>Mérite seul le nom de sage,
Lorsqu'il reconnaît son bonheur.
Le bruit, les soins et le tumulte
Ne valent pas la liberté;
Et tout l'embarras qui résulte
De l'ambitieuse vanité
Ne vaut pas le paisible culte
Qu'en une heureuse obscurité
L'esprit rend à la volupté.
Heureux qui, dans l'indépendance,
Vit content et vit ignoré,
Qui sagement a préféré
A la somptueuse opulence
L'état frugal et modéré,
Qui sait mépriser la richesse,
Et qui, par goût et par sagesse,
A fidèlement adoré
Le dieu de la délicatesse,
Des sentiments, de la noblesse,
Seul dieu d'un esprit éclairé!
Hélas! d'une main importune
Déjà je me sens entraîner,
Et sur le char de la fortune
Mon sort me force de monter.
Adieu, tranquillité charmante,
Adieu, plaisirs jadis si doux,
Adieu, solitude savante,
Désormais je vivrai sans vous.
Mais non, que peut sur un cœur ferme
L'aveugle pouvoir du destin,
Le bien ou le mal que renferme
Un sort frivole et clandestin?
Ni la fureur de Tisiphone,
Ni l'éclat imposant du trône,
Sur moi n'opéreront rien.
Pour la grandeur qui m'environne
Mon cœur n'est que stoïcien;