<34>D'un appui contre moi se croient assurés;
Quand, du fond du sérail, l'orgueilleuse ignorance
Amène à leur secours la pesante indolence;
Quand la distraction entraîne mes esprits
Loin des bornes du sens qu'enferment mes écrits;
Quand d'un fantôme vain son adresse m'occupe,
Que de l'illusion mon travail est la dupe :
Alors, sans balancer, sur un char lumineux,
Prompt à me secourir, tu m'ouvrirais les cieux,
Non pas ces mêmes cieux où Paul, par un miracle,a
Vit, à ce qu'il nous dit, je ne sais quel spectacle,
Mais ce ciel où Virgile honorait Apollon,
Mais le ciel où Henri plaça déjà ton nom.
Quoi! tu ne réponds rien, tu regarde Émilie?
Qu'est-ce qui te surprend? parle au moins, je t'en prie.
« C'est de voir, diras-tu, qu'un homme, sans besoin,
S'alambique l'esprit d'un inutile soin;
De son gré se rangeant au nombre des esclaves,
Se charge follement de chaînes et d'entraves. »
Oui, mais de mes raisons daigne être au moins instruit :
Ton poëme immortel m'a le premier séduit;
Tes vers mélodieux, tes vers coulant sans peine
M'ont trop fait présumer des succès de ma veine.
J'ai cru qu'il suffisait d'admirer tes succès,
Que tes vers d'Apollon valaient bien les accès,
Et qu'animé du feu que ton esprit m'inspire,
J'osais même affronter les traits de la satire.
J'ai cru que d'exprimer de nobles sentiments
N'était point en effet mal employer son temps;
Et de l'antiquité l'illustre témoignage
Transmet le goût des vers avec soi d'âge en âge.
Des peuples policés cet art fut révéré :
De vingt siècles entiers Homère est admiré;
Lucain, qui de César a chanté la victoire,
Triomphe à ses côtés, et partage sa gloire;
Au sortir des combats, les peuples d'Israël


a IIe Épître de St. Paul aux Corinthiens, chap. XII, v. 2.