<32>Tout buste fut détruit, qui s'offrait sur leurs pas,
Et de l'antiquité les plus fameux ouvrages
Périrent pour jamais dans ces affreux ravages.
C'est du choix du sujet que dépend ton succès;
Non pas qu'à tes talents je fasse le procès,
Qu'agité des accès de quelque vapeur noire,
Je veuille de ton art diminuer la gloire;
Mais si Lancret peignait les horreurs de l'enfer,
Penses-tu que chez moi son goût serait souffert,
Que du sombre Tartare entr'ouvrant les abîmes,
Je visse avec plaisir tous les tourments des crimes?
L'architecte est à sec sans bons matériaux,
Et le peintre est sifflé sans bons originaux.
Toi, qui reçus du ciel les grâces en partage,
D'un plaisir séducteur suis la riante image;
Et que du spectateur le regard attaché,
En voyant tes tableaux, sente un plaisir caché.
C'est par de tels sujets que plaisent les ouvrages,
Et non pas sur l'autel où leur rendent hommages
Le faux zèle aveuglé, la superstition,
Le préjugé, l'erreur et la prévention.
Ton pinceau, je l'avoue, est digne qu'on l'admire;
Mais pour l'adorer, non, je ne ferais qu'en rire.
Abandonne tes saints entourés de rayons,
Sur des sujets brillants exerce tes crayons;
Peins-nous d'Amaryllis les danses ingénues,
Les nymphes des forêts, les Grâces demi-nues,
Et souviens-toi toujours que c'est au seul amour
Que ton art si charmant doit son être et le jour.

Ce 14 novembre 1737.

Federic.