<119>Quoi! le rival de Virgile a la rage
De promener son Apollon gueuser
Chez le barbare, au plus lointain rivage,
Pour que l'Europe, enfin, sur son vieux âge,
Le connaissant, sache le mépriser!
Vit-on jamais de plus folle boutade?
Il veut du Czar, panégyriste fade,
Hors de propos nous exalter le nom;
C'est un Lycurgue, un Socrate, un Solon!
Mais quel Solon! un tyran parricide,
Qui, réprimant la nature et ses cris,
Souverain dur et parent plus perfide,
Souilla ses mains dans le sang de son fils!
De Charles douze il écrivit l'histoire;
Mais, en faveur du Czar, son âme noire
En vain s'efforce à présent d'obscurcir
De ce héros la valeur et la gloire.
L'orateur peut parfois nous éblouir;
La vérité, dont souvent il se joue,
Est à la fin, quand il croit réussir,
L'écueil fatal où son crédit échoue.

Au camp de Nossen, 1er d'octobre 1761.