<105>Qu'il voit que, par un noble effort,
Les deux tonneaux des Danaïdes
Ne se sont pas trouvés plus vides
Que ne l'est votre coffre-fort.
A tous ces faux biens de la vie
Vous préférez la pauvreté;
Votre cœur craint d'être infecté
Des vices de votre patrie.
Vous fuyez la terre avilie
Dans un siècle d'iniquité
Où l'extravagante folie
Excite la cupidité,
Raffine sur la volupté,
Inondant du luxe de l'Asie
La germanique loyauté;
Où la riche stupidité
S'élève au-dessus du génie;
Où tout faquin fait le seigneur
Lorsque sa bourse est bien garnie,
Et d'un air arrogant renie
Tout noble qui vit sans splendeur.
Enfin, dans ce siècle d'erreur,
Baron, vous êtes le vrai sage,
Que Diogène en vain chercha.
Caton, qui toujours s'attacha
A la vertu du premier âge,
Fut un farouche personnage
Qui jamais de vous n'approcha.
Ce Sénèque qui nous prêcha
De nous réduire à l'abstinence
Passait ses jours dans l'abondance,
A la cour faisait des jaloux,
Et se moquait d'eux et de nous
Dans ses écrits pleins d'arrogance.
Mais chez vous rien n'est contrefait;
Philosophe dans la pratique,
Au-dessus de toute critique,