<231>De m'occuper à procurer la vie,
En retirant des cachots du néant
De l'univers un futur habitant.
S'il se pouvait que celle que j'adore,
En concourant à ma félicité,
De son beau sein quelque jour fît éclore
Un rejeton de ma fécondité,
Ce trait parfait ajouterait encore
A ses vertus, qu'on ne peut trop priser.
C'est, croyez-moi, soit dit sans métaphore,
Le vrai moyen de s'immortaliser;
Le dieu d'hymen autorise ces gages.
Le bien de voir croître et multiplier
N'est point celui de ces âmes sauvages,
Des Iroquois et des anthropophages;
C'est un plaisir qu'on peut concilier
Avec les mœurs que prescrivent les sages,
Et la vertu doit le justifier.
Voilà pourquoi Mars, ce dieu si terrible,
Me vit revêche, inexorable et sourd,
Quand il voulut m'engager à sa cour;
Vous le savez, mon cœur tendre et sensible
Sous vos drapeaux et sous ceux de l'Amour
S'était naguère enrôlé sans retour.
Ce dieu charmant m'a tenu lieu de père;
Dans son école, à Paphos, à Cythère,
De ses secrets il daigna m'informer :
« Retenez bien, dit-il, que l'art de plaire
Doit en tout temps précéder l'art d'aimer. »
Il me montra son arsenal, ses armes;
Je ne vis point des tonnerres d'airain,
Mais de beaux yeux brillants de mille charmes,
Dont la tendresse exprimait quelques larmes,
Et qui des dieux feraient l'heureux destin.
Tous ses sujets vivent en assurance;
Leurs travaux sont exempts de violence,
Attentions, sentiments délicats,