<212>La vertu combattait pour la cause commune,
Les lois étaient pour nous, pour César la fortune;
L'univers est soumis aux fers des scélérats.
Qu'il règne, le cruel, sur des Catilinas,
Dignes d'accompagner sa pompe triomphale.
O héros immolés aux plaines de Pharsale!
O mânes généreux des derniers des Romains!
Du fond de vos tombeaux, de ces champs inhumains
Où sans distinction repose votre cendre,
A mes sens éperdus vos voix se font entendre :
« Quitte, quitte, Caton, ce séjour détesté
Où le crime insolent détruit la liberté;
Jouet infortuné des guerres intestines,
Vole t'ensevelir sous nos tristes ruines. »
Oui, vengeurs malheureux de nos augustes lois,
Caton ne sera point rebelle à votre voix.
Mais sauvons nos débris épars sur ce rivage,
Qu'ils voguent loin des bords où dominait Carthage,
Loin du joug qu'un tyran voudrait leur imposer;
Alors de mon destin je pourrai disposer.
Et toi, mon seul espoir, à qui je donnai l'être,
Que je laisse en mourant sous le pouvoir d'un maître,
Fuis les lieux corrompus, le séjour profané
Où ce vainqueur répand son souffle empoisonné ;
D'un tyran orgueilleux fuis l'aspect effroyable,
Cherche en d'autres climats un ciel plus favorable,
Et te maintenant libre en ce siècle odieux,
Souviens-toi des vertus dont brillaient tes aïeux.
Que ton cœur en conserve un souvenir modeste,
Et loin de t'opposer à ce destin funeste
Qui renverse l'État en détruisant ses lois,
Laisse aux dieux irrités leur vengeance et leurs droits.
Sans chagrin, sans douleur vois expirer ton père;
Bénis, bénis le jour qui finit ma misère.
Je veux d'un front serein m'élancer à tes yeux
Des fanges de la terre au temple de nos dieux;
Dans cet asile saint, la gloire et la justice