<187>Dès que le mal est long, il devient supportable;
S'il est court, il finit, il est plus tolérable.
Votre corps, en effet, en peut être abattu,
Mais il ne peut blesser l'honneur ni la vertu.
Si le temps vous guérit, si, tandis qu'il s'envole,
En essuyant vos pleurs enfin il vous console,
Il conviendrait au sage éclairé par Zénon
Qu'il dût cet heureux calme aux fruits de sa raison.
Vos tourments, vos soucis sont souvent des chimères,
Préjugés appuyés des erreurs populaires,
Que de l'esprit d'un sage il faut déraciner.
Quel charme à l'univers a pu vous enchaîner?
La terre à mes regards est un amas de boue
Dont la vicissitude insolemment se joue,
Le monde, à peine un point du tout illimité,
Et nos jours, un clin d'œil envers l'éternité.
L'instant présent s'enfuit, il vient de disparaître,
Le passé n'est plus rien, et l'avenir doit naître;
Et dans ce tourbillon notre esprit inconstant,
A peine sûr de vivre un court et prompt instant,
D'un désir altéré d'heureuses destinées
Enchaîne dans ses vœux un nombreux cours d'années.
Quel mélange étonnant de gaîté, de soupirs,
De transports, de regrets, de dégoûts, de désirs!
Ce contraste éternel au désordre vous livre;
Détestant votre sort, vous désirez de vivre.
Décidez-vous enfin; fatigué de vos jours,
Qui peut vous empêcher d'en abréger le cours?
Sortez de cette terre en maux inépuisable.
Et ne respirez plus sa vapeur exécrable.
Qu'est l'homme en ce séjour frivole et décevant?
C'est une âme qui traîne un cadavre vivant;
Par ses distractions toujours hors d'elle-même,
Et qui sans réfléchir végète sans système.
D'un regard intrépide envisagez la mort,
C'est notre seul asile et notre dernier port;
Chaque jour nous la montre, et pourrait nous apprendre