<183>Pour surmonter la haine et pardonner l'offense;
Cette aimable vertu, sans fruit pour vos amis,
Ne peut briller en vous qu'envers vos ennemis,
Qu'envers des scélérats, des traîtres, des parjures.
Certain passant, dit-on, éclatant en injures,
Étendu sur le bord du plus clair des ruisseaux,
De fange et de limon voulut souiller les eaux;
Mais son paisible cours, en poursuivant sa pente,
Augmenta la clarté de son eau transparente.
Varus au désespoir paraît s'abandonner;
D'où provient sa douleur? Il faut l'examiner :
La gloire le possède, il s'emporte, il s'enflamme
De ce qu'un inconnu dans ses discours le blâme.
Ami, sois en repos, écoute la raison;
Sois docile à sa voix et souple à sa leçon.
Quel est l'objet fâcheux dont l'aspect te dérange?
Quels sont ces vains propos de blâme ou de louange?
J'entends de quelques sons l'ébranlement léger,
Des mots articulés, et dissipés dans l'air.
Quelle immortalité te peut donner la gloire?
Tu veux de nos neveux étourdir la mémoire,
Et voir tout l'avenir de tes hauts faits frappé,
De ton nom, de toi seul à jamais occupé?
Approche, et ton erreur va d'abord disparaître.
Pendant l'éternité qui précéda ton être,
Dis-moi, fus-tu sensible à ce qu'on dit de toi?
Ménippea ou l'Arétina t'ont-ils rempli d'effroi?
Si de tous leurs discours tu n'eus aucune idée,
De quelle rage enfin ton âme possédée
Peut-elle s'agiter de ce qu'après ta mort
Le monde, en te jugeant, aura raison ou tort?
Lorsque la froide mort étend sur nous ses ailes,
Du feu qui nous anime éteint les étincelles,
Nous couche dans la tombe à jamais étendus,
Dès ce moment, pour nous tout l'univers n'est plus;


a Voyez t. IX, p. 54, 55 et 187; et t. X, p. 163.