<152>Et l'on n'aperçoit d'autre image
Que rapt, violence et carnage.
Tandis que l'univers ne paraît aspirer
Qu'au noble emploi de réparer
L'immense et mémorable perte
Que l'espèce humaine a soufferte,
Quand la nature enfin va partout s'occuper
Du doux plaisir de reproduire,
Une fatale loi nous condamne à détruire
Tous ceux que Mars a tardé d'extirper.
Eh quoi! la nature féconde
Dans sa profusion n'a pu nous départir
Qu'un moyen pour entrer au monde!
Il en est cent pour en sortir.
Ne devrions-nous pas diminuer le nombre
De ces chemins semés de douleurs et de maux?
Mais l'homme, atrabilaire et sombre,
En invente avec soin chaque jour de nouveaux.
Ah! quelle fureur nous enivre,
Pour t'immoler, ô Mars, nos plus tendres désirs!
Qu'il en coûte, ô gloire, à te suivre!
Nous avons deux moments à vivre,
Qu'il en soit un pour les plaisirs.

De Freyberg, avril 1760.