<114>Lui, qui naguère se munit
D'une toque, brillant symbole
De gloire et de vanité folle,
Commence à décamper de nuit.
Je ne vous dis pas qu'il nous fuit :
Mais si le ciel nous fait la grâce
Qu'il nous montre au plus tôt l'opposé de sa face,
Alors un certain duc,c s'illustrant à jamais,
Armé de son trident comme on nous peint Neptune,
Apaisera d'un mot la tempête importune.
C'est lui qui sauvera votre empire français
Sans capitaine, sans finance,
Sans Canada, sans prévoyance,
Jusqu'en ses fondements sapé par les Anglais.
Il leur dira, plein de décence :
« Par saint George et par sa croyance,
Bonnes gens d'Albion, accordez-nous la paix. »
Quand cette nouvelle échappée
Sortira des antres secrets
Des politiques cabinets,
Je quitte et le casque et l'épée,
Et m'envolant soudain d'ici,
J'irai, confortant ma vieillesse
Par l'étude de la sagesse,
M'ensevelir à Sans-Souci.

En attendant, jouissez en paix de votre solitude. Ne troublez plus les cendres de grands hommes. Que la mort mette fin à votre injuste haine, et que Maupertuis trouve au moins un asile dans le tombeau.a Songez que les rois, après s'être longtemps battus, font la paix. Je crois que vous descendriez aux enfers comme Orphée, non pas pour en ramener l'immortelle Emilie,b mais pour persécuter dans ce séjour, supposé qu'il existe, un homme que votre rancune a poursuivi violemment dans ce monde-ci. Immolez cette haine, qui vous flétrit et fait tort à


c Le duc de Choiseul. Voyez t. IV, p. 256, et t. V, p. 45.

a Maupertuis était mort à Bâle, le 27 juillet 1759.

b La marquise du Châtelet. Voyez t. VII, p. 63.