<103>Crois-tu que sous nos étendards,
Parmi le carnage et les armes,
Et l'énorme fracas des camps,
Les Grâces prodiguent leurs charmes,
Et daignent m'inspirer leurs chants?
Je vois ces nymphes fugitives,
Timides, errantes, craintives,
Chercher des asiles plus doux;
Leurs pas se détournent de nous
Pour se fixer sur cette rive
Où la paix habite avec vous.
Vois ici, de meurtres avides,
L'œil enflammé, de rang en rang,
Les implacables Euménides
Se baigner dans des flots de sang.
Comment à cette race impie
Le ciel unirait-il jamais
Ces tendres filles du génie,
Des beaux-arts et de l'harmonie,
De l'opulence et de la paix?
Qui voudrait joindre à la fanfare
La flûte ou la douce guitare
Ferait un mélange odieux.
Il faut qu'en ce monde bizarre
Chaque chose soit en son lieu;
C'est pourquoi la nature sage
Aux êtres, par un juste choix,
De dons divers fit le partage;
L'instinct, qui leur prescrit des lois,
Astreint chacun à son usage.
Une agréable et tendre voix
Échut à ces chantres des bois
Qui nous charment par leur ramage;
L'aigle, le vautour dévorant,
Armés d'un cœur plein de courage,
De serres et d'un bec tranchant,
Des airs apercevant leur proie,