<21>On trouve en vous ces trésors réunis;
Votre raison, de cent talents douée,
Est douce, humaine et toujours enjouée.
Oui, votre esprit est de tous les pays,
De tous les temps et de toutes les heures;
Vous méritez d'avoir de vrais amis,
Et, par delà, des fortunes meilleures.
Vos cheveux gris ne sont point décorés
De cent pompons, de rubans, de parure,
Et votre corps n'est point à la torture
Dans des paniers immenses et dorés;
Mais vous cachez dessous votre coiffure
Esprit qui plaît et ce mâle bon sens
Hélas! si rare et si digne d'encens.
Tant d'agréments suppriment la vieillesse :
Fades beautés, qu'avez-vous d'approchant?
Vos beaux minois, parés de la jeunesse,
Vont débiter des riens en ricanant;
Vous nous lorgnez, pour plaire, en minaudant,
Dans la beauté tout paraît gentillesse;
Mais, le dirai-je à mon corps défendant?
Autant vaudrait, pour le moins à la vue,
De Bouchardona une belle statue.
Ah! si le ciel, secondant vos amours,
Vous eût rendu dès le berceau muettes,
Ou qu'il eût fait de vos amants des sourds,
En cas pareil, nos flammes indiscrètes
Auraient au moins longtemps pu soupçonner
Que vos esprits ont le don de penser;
Mais à présent, tant causeuses vous êtes,
Qu'un froid mortel commence à me geler
Dès le moment qu'on vous entend parler;
Tous les progrès que vos mines coquettes
Et vos attraits avaient faits sur mon cœur


a Edme Bouchardon, célèbre sculpteur français, né en 1698, mourut en 1762. Voyez t. VII, p. 40.